🎭 Théâtre

Trouver une salle de répétition

Julien Asselin

31 janvier 2018

🕓 3 minutes

Ombre

Un lieu pour travailler.

Chaque aventure artistique est intimement liée à un lieu, un territoire.
Combien de friches industrielles, de lieux improbables, sont devenus des lieux de recherche artistique, de travail, des ateliers pour la construction de spectacle, une base, un «chez soi» pour des compagnies de théâtre ?

Le théâtre du Soleil et la Cartoucherie de Vincennes, les Generik Vapeur et «leurs» abattoirs à Marseille, une ancienne chaufferie pour Decouflé à St Denis, le Pôle nord à l’Estaque pour l’Agence de Voyages Imaginaires, la Colle (ancienne auberge) pour la Compagnie Begat sur le plateau de Valensol, la Friche de la Belle de Mai… autant de lieux qui ont quitté leur vocation initiale pour s’offrir de nouvelles histoires.

J’ai commencé dans les jupes du Théâtre du Campagnol alors installé à la Piscine de Châtenay-Malabry. Quand j’y suis arrivé, la Piscine n’avait pas encore totalement terminé sa mue, même si la salle de spectacle était construite sur le grand bassin et que certains locaux techniques étaient déjà de magnifiques espaces de répétitions.

Nous avons besoin d’espace pour travailler, stocker, jouer.

L’obtention d’un lieu est une étape décisive dans un parcours artistique.
C’est un luxe d’avoir à sa portée une salle de répétition.
C’est parce qu’un gardien aimable et compréhensif lui a donné la clef d’une grande salle dans les hauteurs de la Sorbonne qu’Ariane Mnouchkine a pu fonder l’ATEP (Association théâtrale des étudiants de Paris) qui accueillera par la suite les fondateurs du Théâtre du Soleil.
Répéter, travailler, reprendre un spectacle avant quelques dates de tournée… Nous avons besoin de salles de répétitions, d’espaces, de volumes pour travailler.
Pour la jeunesse qui débarque dans le métier trouver un lieu peut se transformer en véritable Odyssée.
Le but étant de trouver une salle qui entre dans le budget, à savoir une salle gratuite:

– Lucie ne prête plus sa salle parquetée magnifique du cours Estienne d’Orves,
elle est comme tout le monde Lucie, elle loue. Au prix normal. Cher.
– Oui nous avons fait une demande, mais la mairie ne connait pas l’association (base administrative de la quasi totalité des compagnies théâtrales françaises) qui de toutes façons n’est pas domiciliée dans l’arrondissement, bien sûr que nous pouvons remplir une demande voici la liste des pièces à fournir, la prochaine commission d’attribution se réunira en juin prochain, oui dans six mois …

Amir propose alors ce que l’on craignait : «la salle» de sa grand mère à Mimet.
Chacun revoit alors LA remise au fond du terrain ombragé, voir humide, de la mamie d’Amir, chacun frissonne car nous sommes en janvier, tousse et se frotte les yeux en pensant à la poussière agricole qui flotte dans cette remise aux odeurs de bois cuits, très cuits. Dure la remise de la grand-mère d’Amir. Mais si on ne trouve rien elle sera parfaite la remise pour répéter.

J’ai beaucoup de souvenirs de répétitions durant lesquelles j’ai eu froid. Très froid. Les grands espaces sont difficiles à bien chauffer. Il faut être jeune pour bien travailler quand on a froid. Finalement, Magali, une copine de la soeur de notre costumière, Magali nous permet l’accès à la salle des Gabians dans un centre social du deuxième arrondissement, il faudra juste arriver à neuf heures pour les clefs, faire la pause de onze heures à midi trente pour permettre le yoga et finir vers seize heures parce qu’il y a le loto.
Pensez à bien remettre les tables et les chaises comme vous les avez trouvées en entrant.

Le temps effectif de travail se réduit au fil des recommandations. Le point d’eau, le chauffage et les toilettes sont souvent un luxe en option. Difficile de trouver un lieu quand on est une jeune compagnie. Nous y sommes toujours arrivés.
Et puis le temps passe, la production de vos spectacles se professionnalise, la Mamie d’Amir lègue sa remise, la solidarité avec des compagnies amies, des théâtres, des municipalités, fonctionne et vous permet d’accéder plus simplement aux espaces de répétitions.

La précarité de l’économie du spectacle renforce le bonheur que l’on peut
ressentir à avoir un lieu.

Encore aujourd’hui je goûte la chance que j’ai lorsque je rentre en répétition dans une belle salle chauffée. De toutes tailles, de toutes formes, nous avons de beaux guignols, de belles salles de spectacles en France. Les plus belles étant celles qui gardent la trace des équipes, des publics qui les ont traversé, soutenu, fait vivre !